Débâcle ou résurrection ? Le débat sur l'hydroxychloroquine semblait clos après la publication d'une vaste étude négative dans le Lancet.
Mais les falsifications dénoncées par de nombreux chercheurs dans la conduite de ces travaux ont redonné un nouvel élan au Pr Didier Raoult et à ses soutiens.
Ce revirement de situation ne doit pas faire oublier l'essentiel : à ce jour, le traitement n'a pas fait la preuve de son efficacité. Plus de 200 études ont été lancées dans le monde afin d'évaluer son efficacité contre le Covid-19. En prévention de la maladie, en traitement de ses formes les plus graves, seul ou en combinaison avec un antibiotique, toutes les options sont passées à la loupe des chercheurs.
En fait, l'affaire du Lancet révèle les manquements éthiques de certains chercheurs, bien plus qu'un "complot" contre cette molécule.
Le Lancet est une prestigieuse revue scientifique. Elle publie d'importantes études, après leur relecture par un comité scientifique. Une fois publiés, ces articles sont toujours ouverts à la critique. Et lorsque d'importantes erreurs sont rapportées, ils peuvent être retirés. C'est très rare, mais c'est ce qui s'est passé dans le cas de l'étude sur l'hydroxychloroquine.
Cette dernière était un peu particulière, puisqu'elle ne reposait pas sur les données d'un essai clinique, mais sur celles de 96 000 patients, récoltées auprès de 1 200 hôpitaux à travers 46 pays. Elle montrait que non seulement l'hydroxychloroquine ne soigne pas les patients, mais qu'elle provoque en outre des effets secondaires graves. Mais ses données – fournies par une l'entreprise américaine Surgisphere – étaient falsifiées.
L'étude la plus importante à ce jour est l'essai britannique Recovery, auquel participent plus de 11 000 patients provenant de 175 hôpitaux. Ils sont répartis dans six groupes de traitements différents afin de comparer leur efficacité : hydroxychloroquine ; la combinaison d'antirétroviraux ; le corticoïde dexamethasone ; l'anticorps monoclonal tocilizumab ; l'antibiotique azithromycine et enfin l'injection de plasma de patients guéris.
Les chercheurs ont décidé d'abandonner le traitement par hydroxychloroquine faute de résultats probants.
Une autre étude, menée auprès de 821 personnes aux États-Unis et au Canada, a par ailleurs écarté tout effet préventif du traitement.
Non, certains pays, dont l'Espagne ou la Grèce continuent de l'utiliser massivement contre le Covid-19. Plusieurs pays d'Afrique et d'Amérique latine l'ont également ajoutée au protocole de prise en charge des patients. De plus, l'interdiction de l'hydroxychloroquine en France ne concerne pas les essais déjà lancés. La molécule peut donc toujours être utilisée chez certains patients, en attendant les résultats de nouvelles études, dont ceux de l'essai Solidarity de l'OMS, ou de Discovery en Europe.
Le Pr Raoult a dénoncé très tôt l'incohérence des données du Lancet. Il rejette aussi les résultats de l'étude Recovery. Pourtant, contrairement à ceux du Lancet, ils ont reçu un accueil positif de la communauté scientifique. Rappelons aussi que les études du Pr Raoult souffrent elles-mêmes de nombreux biais, dénoncés par ses pairs...
Au-delà de la polémique, il est essentiel désormais de ne retenir
que les protocoles validés scientifiquement pour évaluer les
traitements.
Malheureusement, les pistes de traitement sont toujours très limitées. Seul l'antiviral remdesivir a démontré une efficacité modeste en accélérant le rétablissement des patients. Il devrait prochainement être autorisé en Europe. Et des tests sont en cours en combinaison avec d'autres molécules pour améliorer son efficacité. Le développement d'anticorps monoclonaux capables de neutraliser le virus est l'une des approches les plus prometteuses, tout comme l'injection de plasma de patients guéris.