Covid-19 : un vaccin à n’importe quel prix ?
2 octobre 2020

Covid-19 : un vaccin à n’importe quel prix ?

Les Britanniques ont décidé de lancer le premier "challenge infectieux" : inoculer le virus à des volontaires pour tester un vaccin contre le Covid-19. Un procédé rapide mais qui soulève de nombreuses questions.

Un million de morts sur la planète ! La barre a été officiellement franchie le 28 septembre. Avec ce chiffre, le Covid-19 devient l'une des principales causes de mortalité dans le monde. Face à ce péril, certains experts estiment qu'« à maladie extraordinaire, il faut des solutions extraordinaires ».
C'est pourquoi les Britanniques ont décidé de lancer le premier "challenge infectieux humain". Concrètement, des volontaires sains se feront injecter le virus Sars-Cov2 après avoir reçu une dose de vaccin expérimental afin de tester son efficacité. Une course au vaccin qui fait débat.

Injecter le virus à des personnes saines permet-il de gagner du temps dans la course au vaccin ?

Sans aucun doute. Pour mettre au point un vaccin, trois phases sont incontournables. La première évalue la tolérance, la deuxième sert à tester le dosage et la troisième porte sur l'efficacité. Lors de cette dernière étape, les centaines de milliers de volontaires se font administrer une dose de vaccin et il ne reste plus qu'à attendre de comparer au bout de plusieurs mois leur état de santé avec celui d'autres volontaires à qui un placebo (substance sans principe actif) a été injecté. Dans le "challenge infectieux humain" des Britanniques, plus besoin d'attendre des mois et recruter des milliers de volontaires. 100 à 200 personnes participeront au challenge. Moins long, le processus est aussi moins coûteux.

La méthode a déjà été utilisée pour d’autres maladies. Pourquoi pas pour le coronavirus ?

Le vaccin contre l'hépatite B a été élaboré dans les années 70 après avoir été testé sur du personnel hospitalier très exposé à ce virus. Ce type de "challenge humain" a notamment permis d'accélérer la mise au point de vaccins contre la typhoïde et le choléra. Cependant, des règles sont venues encadrer ce type d'essai pour minimiser les risques. Et les "challenges humains" ne sont pas considérés comme acceptés pour des maladies tels qu'Ebola à cause de son taux de mortalité élevé.
Quant au conseil scientifique français, il a estimé en juillet que cette stratégie n'était pas justifiée dans le cas du coronavirus parce qu'«on ne peut écarter la possibilité de survenue d’accident chez ces volontaires, en l’absence de thérapeutiques curatrices avérées du Covid-19. »

Peut-on réellement s’assurer que les volontaires sont d’accord pour une telle expérimentation ?

Si l'on en croit l'organisation "1 day sooner" qui plaide pour mener de telles expérimentations, plus de 38 000 personnes étaient volontaires dans 166 pays (au 29 septembre) pour se faire inoculer le virus.
Le challenge britannique prévoit que tous les volontaires soient au courant des risques. De son côté, l'OMS a établi des règles éthiques pour de tels essais sur l'homme stipulant qu' « il faut absolument que les éléments du consentement volontaire soient fondés sur une véritable information ». Or, dans la mesure où nous ne connaissons pas toute l'ampleur des complications de ce virus ni dans quelle mesure certains profils sont protégés, il semble difficile d'affirmer que le consentement est éclairé.

Les risques individuels pris par les volontaires sont-ils justifiés par rapport aux bénéfices pour la communauté ?

Afin de réduire au maximum les risques pris par les volontaires sains, le concepteur du "human challenge" britannique a prévu de ne choisir que des jeunes adultes entre 20 et 45 ans, sans pathologie, et issus de zones où le virus circule beaucoup, ayant donc un risque fort d'être contaminé naturellement. Cependant, ce vaccin testé sur des jeunes en bonne santé ne donnera pas forcément les mêmes résultats sur des personnes plus âgées présentant des facteurs de risque.

La France s’oppose à ce type d’expérimentation. Mais que fera-t-elle si un vaccin est validé grâce à cette méthode ?

La France, via l'Europe, ainsi que les Etats-Unis et le Japon ont déjà réservé plus de la moitié des doses qui seront disponibles. L'Australie et l'Amérique Latine ont quant à elles réclamé un accès libre aux futurs vaccins.
Pour rendre cet accès le plus éthique possible, une soixantaine de pays ont adhéré au dispositif de l'OMS qui vise à ne pas laisser les pays pauvres sur le côté du chemin. Pas un mot en revanche sur la façon dont le vaccin sera développé, et l'éventuel recours aux expérimentations humaines. Un avis d'expert sera sans doute demandé mais de toute façon, il est probable que plusieurs vaccins franchissent la ligne d'arrivée.