Selon l'étude menée par le Pr Nicolas Franck, psychiatre, les semaines d’enfermement et le contexte d’incertitude mettent les nerfs de la population à rude épreuve, notamment chez les étudiants.
Alors que plusieurs scénarii de déconfinement sont à l’étude, les questions émergent sur les conséquences de cette crise. Notamment celles sur le plan psychologique. En Chine, les premiers retours sont inquiétants.
Le Pr Nicolas Franck, psychiatre au Centre hospitalier Le Vinatier (Lyon) et responsable du Centre référent lyonnais en réhabilitation et en remédiation cognitive, étudie l’impact du confinement sur la santé mentale des Français (1).
Que montrent les premiers résultats de l’étude que vous menez ?
Pr Nicolas Franck. Ils montrent un impact flagrant dès le début du confinement - l’étude a été lancée lors de la deuxième semaine - avec une forte réduction du score de bien-être mental. Deux populations sont particulièrement touchées : les personnes en situation d’invalidité et les étudiants. Ce sont des premières observations ; nous allons suivre l’évolution de cet impact dans le temps.
Comment expliquer que les étudiants soient si touchés ?
Pr Nicolas Franck. Les universités ont suspendu les cours, les examens ne sont pas reprogrammés : ils ont beaucoup d’incertitude sur leur avenir à moyen et long terme. C’est aussi une population plus grégaire, ils ont l’habitude de se retrouver entre eux. Enfin, ils ont des conditions d’hébergement souvent précaires, avec des petites surfaces - or la surface du lieu d’habitation est très corrélée au bien-être.
Cette crise peut-elle laisser des séquelles psychologiques à plus long terme ?
Pr Nicolas Franck. Oui. En Chine, au bout de deux mois de confinement, les troubles mentaux avérés (diagnostiqués) atteignaient la moitié de la population : stress post-traumatique, dépression, troubles anxieux, décompensation... On s’attend en France à un effet post-confinement, avec un recours accru aux soins psychiatriques.
L’étude évalue aussi l’impact du confinement sur les comportements ?
Pr Nicolas Franck. On se penche aussi sur les stratégies de résilience déployées par les personnes confinées : comment elles font face, les contacts sociaux, les occupations, la solidarité, les modes de vie… On sait que les addictions et le recours aux écrans augmentent, mais il est encore trop tôt pour donner des tendances plus globales. Cet épisode est de nature à modifier les comportements de manière durable, mais il peut aussi fragiliser davantage encore les personnes les plus vulnérables.
(1) Menée en ligne par le centre ressource de réhabilitation psychosociale (CH le Vinatier), l'étude analyse le vécu des Français confinés et ce qui leur permet de faire face à l’enfermement. Enquête accessible à tous ceux qui souhaitent y répondre. Les résultats sont communiqués chaque semaine.