Vous faites la chasse au sucre ? Quoi de plus normal quand on sait qu’il est impliqué dans les épidémies de diabète et d’obésité. Ces dernières années, il est même devenu l’ennemi public n°1.
Pour diminuer votre consommation de sucre, vous avez opté pour les édulcorants ? Mais ces additifs alimentaires suscitent de nombreux débats concernant leur innocuité. Ils augmenteraient le risque de cancer.
Faut-il les chasser de notre alimentation ? Des chercheurs français, pilotés par l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle de l’Inserm de Mathilde Touvier, ont mené une large étude sur plus de 100 000 adultes. Au vu des résultats publiés dans la revue Plos Medicine, Charlotte Debras, co-auteur de l’étude, nous aide à prendre de bonnes habitudes alimentaires.
Charlotte Debras. Dans notre étude, nous avons constaté que les plus forts consommateurs - au-delà de la médiane de consommation située autour de 18 mg/j - avaient un risque accru de cancer de 13 % comparé aux non consommateurs. Des risques étaient plus spécifiquement observés pour le cancer du sein (le plus fréquent dans la cohorte, donc celui pour lequel nous avions le plus de puissance statistique) et le groupe des cancers liés à l'obésité, c’est-à-dire ceux du pancréas, du côlon-rectum, de la prostate ou encore du foie. Plus particulièrement, les personnes consommant le plus d'aspartame et d'acésulfame-K avaient un risque plus élevé de développer un cancer.
Charlotte Debras. Dans le groupe des "plus forts consommateurs", la moyenne des consommations était autour de 79 mg par jour, ce qui correspond environ à 200 ml de soda light ou 2 sachets individuels d'édulcorants. Nos résultats suggèrent donc que même une consommation modérée d'édulcorant pourrait être associée à une augmentation du risque de développer un cancer. Bien que ces résultats doivent être reproduits dans d'autres études de cohorte à grande échelle et qu’il faut clarifier les mécanismes sous-jacents entraînant ce risque, nos constatations ne permettent pas d’affirmer que les édulcorants sont une alternative sûre au sucre.
Charlotte Debras. Limiter sa consommation en édulcorant peut passer par limiter sa consommation des principaux aliments vecteurs de ces additifs alimentaires, notamment les boissons édulcorées comme les sodas "light" ou "sans sucre", les édulcorants de table comme les sucrettes "zéro calories" ajoutées dans le café ou les produits laitiers édulcorés comme les yaourts aromatisés sans sucre. Les édulcorants peuvent également se trouver dans d'autres produits ultra-transformés, notamment dans des produits dans lesquels on ne s'attendait pas à trouver du sucre, tels que les chips. Les consommateurs peuvent donc regarder s'ils figurent dans la liste d'ingrédients. Les édulcorants peuvent être désignés sous leur nom ou leur numéro d'identification européen, par exemple : aspartame (E951), acésulfame-K (E950), sucralose (E955), etc.
Charlotte Debras. Des études observationnelles ont identifié des associations avec une prise de poids, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, etc. Mais des études supplémentaires, prenant en compte l'ensemble des sources d'apport en édulcorants (pas seulement des boissons) sont nécessaires. En outre, les édulcorants sont susceptibles de maintenir une habitude pour le goût sucré.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses) a donc établi que l'objectif de réduction des apports en sucres dans la population générale doit être atteint par la réduction globale du goût sucré de l'alimentation. Cet objectif doit d’ailleurs être visé dès le plus jeune âge. Enfin, les boissons édulcorées et sucrées ne doivent pas se substituer à la consommation d’eau.