Antibiotiques : pourquoi il faut réduire sa consommation
16 novembre 2021

Antibiotiques : pourquoi il faut réduire sa consommation

Notre consommation d'antibiotiques a beau baissé, elle reste bien au-dessus de celle de nos pays limitrophes. Ainsi, l'antibiorésistance devient un réel problème pour nous soigner. Le Pr François Chast, pharmacien à l'Assistance publique de Paris, nous éclaire sur le sujet.

Les antibiotiques qui venaient à bout de maladies bactériennes graves voient aujourd'hui leur efficacité réduite du fait de leur surconsommation ou de leur mésusage. C'est ce qu'on appelle l’antibiorésistance. Ce phénomène n'est plus marginal.
Santé Publique France publie une série d’articles sur cette « menace sous surveillance ».  On y a apprend qu’avec la crise, la consommation d’antibiotiques en 2020 a diminué de 17 % par rapport à ce qui était attendu. Que les efforts déployés pour lutter contre la résistance croissante des bactéries se poursuivent, avec des efforts modérés mais qualifiés d’« encourageants ».
Mais lutter contre l’antibiorésistance, c’est l’affaire de chacun. Pourquoi et comment ? Les réponses du Pr François Chast, pharmacien à l’Assistance publique de Paris. (AP-HP)

Les Français ont consommé moins d’antibiotiques… Bonne nouvelle ?

Pr François Chast. Oui mais on reste à des niveaux très élevés : 25 % au-dessus des niveaux de consommation des pays limitrophes. A cause de cette surconsommation, les bactéries sont confrontées à un large spectre d’antibiotiques contre lesquels elles développent des mutations génétiques qui les rendent multirésistantes.
A cela s’ajoute le fait que la recherche est peu active sur les antibiotiques ; il y a très peu de nouvelles classes qui arrivent sur le marché.
Du coup, pour de nombreuses infections, l’antibiothérapie est devenue problématique : on a un choix de plus en plus restreint. Toutes les classes d’antibiotiques sont concernées par cette problématique, en particulier celles utilisées pour soigner les infections communautaires (contractées en ville).

Comment, à titre individuel, on peut lutter contre l’antibiorésistance ?

Pr François Chast. Il faut poursuivre les gestes d’hygiène qui ont été mis en place avec le Covid. Se laver les mains très régulièrement, utiliser du gel hydroalcoolique. L’idée est de limiter la prolifération des bactéries et de prévenir les infections. Il faut aussi intégrer le fameux slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique ». De fait, 90 % des otites et 80 % des pharyngites sont d’origine virale et ont une résolution spontanée dans la plupart des cas, avec des bains de bouche antiseptiques par exemple.
Il existe une autre stratégie pour lutter contre l’antibiorésistance : c’est la vaccination, notamment contre les pneumocoques [responsables de nombreuses infections aux sinus, aux oreilles, aux poumons…ndlr] qui présentent de nombreuses résistances croisées aux antibiotiques. C’est en particulier recommandé si on a des facteurs de risque comme des bronchites chroniques liées au tabagisme.

Les professionnels de santé se disent démunis… Comment les aider ?

Pr François Chast. Il faut continuer à sensibiliser le corps médical sur les antibiotiques. De fait, le mésusage (utilisation d’une molécule inadaptée, durées de prescription ou doses inappropriées…) contribue largement à l’antibiorésistance. A l’hôpital, on a maintenant des outils de diagnostic rapide, qui permettent de déterminer l’antibiotique adapté à la bactérie détectée. Ces outils vont à terme se développer en ville. Sensibiliser le public est aussi primordial ; après les grandes campagnes d’information, on a pu observer une diminution de la consommation.

Repères

- Selon Santé publique France., « les mesures renforcées d’hygiène, les mesures de distanciation sociale ainsi que les périodes de confinement ont contribué à ce que la transmission des infections bactériennes et virales soit ralentie » en 2020.
- La pandémie a réduit le nombre de consultations médicales et donc le nombre de prescriptions.
- Les femmes reçoivent plus de prescriptions d’antibiotiques que les hommes.
- Ce sont dans les classes d’âges les plus jeunes que les prescriptions ont le plus baissé entre 2010 et 2020.
- Ce sont les généralistes qui sont très majoritairement à l’origine des prescriptions d’antibiotiques.