Prévention : pourquoi les hommes négligent leur santé
28 octobre 2020

Prévention : pourquoi les hommes négligent leur santé

Les hommes sont-ils les grands oubliés de la santé ? C'est l'une des questions soulevées par la 11e édition de l'opération Movember, consacrée au bien-être physique et mental de la gente masculine.

On sait que les Français vivent moins longtemps que les Françaises (79 ans contre 85 ans), qu’ils se soucient moins de leur santé (64 % contre 73 %).
Globalement, les messages de prévention semblent moins bien les atteindre. C’est vrai pour les maladies cardiovasculaires, les cancers, mais aussi pour les maladies mentales, les souffrances psychiques, les passages à vide, qu’ils ont tendance à sous-estimer.
Résultat : 75% des morts par suicide concernent les hommes. Les troubles mentaux (dépressifs, anxieux…) sont largement sous-diagnostiqués au sein de cette population. Comment inciter l’homme à écouter son âme ? Le psychologue Vincent Lapierre, spécialiste de la prévention, explique comment aider une personne fragilisée ou en danger.

Pourquoi l’homme se suicide plus que la femme ?

Vincent Lapierre. La principale raison est que les hommes consultent moins les psys que les femmes - c’est une constante dans tous les pays du monde. La santé mentale fait appel à des éléments subjectifs. Or, on est tous pris dans nos propres représentations… et dans les stéréotypes de genre. C’est le fameux « sois fort ».
Face à un événement précipitant (perte d’un boulot, rupture…), la femme tend à se laisser du temps pour encaisser ; l’homme, lui, a plus tendance à se dire : « arrête de chouiner », « bouge-toi, débrouille-toi ». Décrire l’homme ainsi le fait passer pour une espèce bas de plafond, et il y a certainement des nuances.
Aujourd’hui, les hommes pleurent plus qu’avant, les émotions sont un peu moins genrées. Mais globalement, la psychothérapie va à l’encontre de tous les stéréotypes que les hommes intègrent inconsciemment : ne pas savoir faire face seul ; ne pas gérer sa vie affective.Face à la dépression, les hommes ont plutôt recours aux toxiques (alcool, drogues).

Comment inciter un proche qui va mal à aller consulter ?

Vincent Lapierre. Il faut d’abord capter les signaux : la personne arrête de faire des activités qu’elle aimait, il y a un retrait social… Mais il faut éviter d’être trop frontal, de balancer « on te voit plus aux soirées ! ». Ce qui marche, c’est de parler de sa propre expérience. Dire : « ma dernière rupture, je l’ai mal vécue », ou « à l’époque, j’avais consulté et ça m’avait fait du bien ».
Il s’agit de mettre en scène sa propre existence, pour créer un espace de dialogue, entre hommes préférentiellement, et en petit groupe. On peut proposer des sorties en groupe restreint, par exemple. Dans un lien de confiance, ça peut marcher.

Comment améliorer la prévention en matière de santé mentale masculine ?

Vincent Lapierre. On sait que les messages de santé publique générique ne fonctionnent pas très bien sur l’homme. Ce qui marche mieux, c’est la « pression sociale par les pairs ». La formule francisée n’est pas jolie… Mais c’est l’esprit des « MoBro », les frères qui partagent leur expérience et inspirent leurs pairs.
Par exemple, nous avions mené une action auprès des barbiers pour les encourager à créer un espace d’écoute particulier : l’homme reste dans une situation « stéréotypée », il s’occupe de sa barbe et on peut parler foot ou voiture, mais il est aussi dans un moment où il prend soin de lui.
Cependant, on sait que c’est lent et compliqué : les hommes de 35-55 ans restent la catégorie la plus touchée par le suicide, sur laquelle on n’arrive pas à faire baisser les chiffres.

Si vous soupçonnez un risque suicidaire chez un proche, vous pouvez aussi l’adresser aux différentes associations (une liste ici).