80 jours, pour obtenir un rendez-vous chez son ophtalmo. Et dans certaines régions, il faut compter 4 mois. A terme, les opticiens pourraient même prescrire des lunettes. Les ophtalmos sont farouchement contre.
L'embouteillage ne date pas d'aujourd'hui mais la crise sanitaire a aggravé la situation. Pour sortir de l'impasse, L’Igas (1) vient de publier un rapport dans lequel elle préconise d'en finir avec le « passage obligatoire » par la case ophtalmo. Et donc de déléguer des soins aux opticiens mais aussi aux 5000 orthoptistes.
(1) Inspection générale des affaires sociales
En fait, nous manquons d'ophtalmologistes sur le territoire et ils sont mal répartis. Dans les territoires ruraux, c’est souvent le désert. Et la situation risque de se dégrader car les départements les moins bien dotés actuellement sont aussi ceux qui comptent le plus de spécialistes qui auront atteint 65 ans en 2025. Et comme le souligne l'Igas, l'augmentation du nombre de nouveaux ophtalmologistes ne compensera pas ces départs à la retraite massifs.
L'ophtalmologie s'est déjà beaucoup lancée dans la télémédecine puisque de nombreux actes d'imagerie sont pratiqués et peuvent être interprétés à distance. L'Igas propose aujourd'hui d'autoriser les téléconsultations dans le magasin d'optique, avec l'ophtalmo à distance dans son cabinet. Ces mesures pourraient réduire les délais d'attente en favorisant la coopération entre ophtalmo, opticiens et optométristes. Encore faut-il que ces actes soient financés par la Sécurité sociale. Les dépistages du glaucome et de la DMLA (2) par l'orthoptiste et l'ophtalmo attendent toujours...
(2) Dégénérescence maculaire liée à l’âge
Un orthoptiste n'est pas un médecin. Ses soins sont prescrits par l'ophtalmo. Après 3 ans de formation dans un institut rattaché à une fac de médecine, il pratique des actes de rééducation (en cas de strabisme par exemple), de dépistage et d'exploration de la vision, tels que des mesures de la tension oculaire. L'interprétation des résultats reste du ressort du médecin. Depuis le 28 avril 2020, l'orthoptiste ainsi que l'opticien (depuis 2007) peuvent même renouveler, voire adapter, une prescription de verres correcteurs et de lentilles. Ces mesures ont certes été prises pour désengorger les cabinets médicaux mais ces actes sont réalisés sous la responsabilité de l'ophtalmo.
Ce cumul "prescription et vente" fait grincer des dents le syndicat national des ophtalmologistes de France. Certes, l'opticien est un commerçant inscrit au registre du commerce mais aussi un professionnel de santé soumis au code de la santé publique. Enfin, l'Igas propose que les opticiens puissent communiquer sur le fait qu'ils peuvent déjà faire des renouvellements d'ordonnance mais "dans une formulation qui ne constitue pas une incitation commerciale".
En Allemagne, au Royaume-Uni, ou encore en Suède, le partage des tâches entre les ophtalmos et d'autres professionnels de la santé visuelle est beaucoup plus poussée. Ces derniers peuvent déjà prescrire des lunettes et des lentilles. Aux Pays-Bas, les délais d'attente sont passés de 4 mois à 33 jours après la mise en place de la délégation de tâches. Est-ce que la qualité de soins a diminué ? C'est la crainte des ophtalmos français qui insistent sur le fait qu'à l'occasion d'un examen pour la prescription de lunettes, des maladies peuvent être dépistées. Aucune étude n'a mis en évidence de dégradation des soins oculaires dans ces pays, dans la mesure où l'ophtalmo en reste responsable.