Homéopathie : comment faire face  au déremboursement
15 janvier 2021

Homéopathie : comment faire face au déremboursement

Depuis que l’homéopathie n’est plus remboursée, de nombreuses questions se posent : quels autres médicaments remboursés privilégier ? La consommation d’anxiolytiques et d’antalgiques va-t-elle augmenter ? La consommation des médicaments homéopathiques va-t-elle s'effondrer ? Le Pr Bernard Bégaud, pharmacologue à l’Université de Bordeaux nous répond.

Ça y est : l’homéopathie n’est plus prise en charge par la Sécurité sociale depuis le 1er janvier 2021. Les personnes qui voudront acquérir des produits homéopathiques devront les payer de leur poche, avec un remboursement partiel par les mutuelles - et encore, pas toutes et à des taux variables.
La mesure, annoncée l’été dernier, a provoqué la colère de nombreux médecins et patients ayant recours à l’homéopathie. Elle est fondée sur une évaluation de la Haute Autorité de Santé (HAS), pour qui l’absence de preuves d’efficacité de ces granules justifie leur déremboursement.
Mais alors que 8 Français sur dix y ont déjà eu recours, et qu’un généraliste sur 3 en prescrit, comment faire face à cette décision ? Les conseils du Pr Bernard Bégaud, pharmacologue à l’Université de Bordeaux et chercheur à l’Inserm.

Dérembourser l'homéopathie, est-ce une décision logique ?

Pr Bernard Bégaud. Disons que c’est cohérent : en principe, si un médicament n’apporte pas la preuve de son efficacité au sens moderne (à travers des essais cliniques, des études randomisées, contre placebo…), il est normal que l’Assurance Maladie ne le prenne pas en charge.
Mais ce qui m’a semblé choquant, c’est l’urgence avec laquelle on s’est attaqué à l’homéopathie à la hache, tambour battant, avec un avis de la Haute autorité de santé en des temps records, une moindre place laissée au débat… comme s’il y avait une urgence sanitaire.
Il y a eu un tapage médiatique, où l’on a présenté l’homéopathie comme dangereuse et les homéopathes comme des charlatans, ce qui est scandaleux.
Les pouvoirs publics ont raison de s’attaquer aux dépenses de santé inutiles ; mais il faut savoir que le gaspillage des médicaments, par exemple, coûte 10 milliards d’euros par an… Il y avait peut-être d’autres urgences.

Les utilisateurs ne vont-ils pas se rabattre sur des médicaments remboursés ?

Pr Bernard Bégaud. Si, c’est un effet possible - et c’est d’ailleurs l’argument brandi par les labos. De fait, les patients sont très attachés au remboursement des médicaments.
Mais d’un autre côté, beaucoup de personnes sont convaincues de l’utilité de l’homéopathie et continueront à l’acheter si les prix n’augmentent pas trop. D’autant que de nombreux utilisateurs ont une certaine méfiance envers les médicaments allopathiques.
En fait, l’effet de cette mesure n’a pas encore évalué. Il faudra l’étudier en deux phases : lors de l’annonce, avec le tapage médiatique anti-homéopathie qui a pu décourager des utilisateurs et des prescripteurs, et lors de l’entrée en vigueur.

Y a-t-il un risque de voir la consommation d’anxiolytiques augmenter ?

Pr Bernard Bégaud. C’est vrai que l’homéopathie est utilisée pour traiter les troubles anxieux légers et le risque, c’est que certains utilisateurs se reportent vers les médicaments  "chimiques" aux effets secondaires parfois délétères. Si les gens se sentent bien avec l’homéopathie, qu’ils y restent… L’homéopathie est aussi utilisée dans le traitement des diarrhées, des rhumatismes, des douleurs ; plusieurs centres anti-cancer y ont recours.
Est-ce que la consommation d’antalgiques va augmenter ? On pourra étudier tout ça très précisément en 2021. S’il y a un report massif vers les anxiolytiques ou les antidouleurs, on peut dire que cette mesure aura été une ânerie.

Comment éviter ce report massif ?

Pr Bernard Bégaud. Le problème, c’est qu’il n’y a pas eu de campagne d’information à destination des prescripteurs. On peut diviser les médecins en 3 classes : les « allopathes » qui ne prescrivent jamais d’homéopathie, les homéopathes qui ne prescrivent que ça, et tous ceux, au milieu, qui prescrivent les deux. Ce sont les plus nombreux, et c’est eux qui doivent passer les messages auprès des patients.
Ce que l'on peut dire, c’est qu’il ne faut pas automatiquement basculer vers les benzodiazépines ou les antalgiques. Il faut parler avec son médecin des alternatives, ou de la possibilité de poursuivre un traitement homéopathique en fonction de ses ressources financières.

Vous pouvez aussi vous renseigner auprès de votre complémentaire santé pour connaître ses conditions de prise en charge.