A ce jour, tous les professionnels de la santé ne sont pas vaccinés. Entre impossibilité et réticence, le corps médical doit faire face à une urgence : le nombre de cas dans les hôpitaux ne cesse d’augmenter et le risque de contagion des patients par les professions de santé doit être réduit à zéro. Pour le Pr François Chast, ancien chef de service de la pharmacie de l’Hôpital Necker (AP-HP), la vaccination doit être rendue obligatoire pour tous les professionnels de santé. Nous aborderons, à travers son témoignage, les raisons de sa position sur la vaccination.
Un pavé dans la mare : ce week-end, les sept ordres des professions de santé ont diffusé un appel dans le Journal du Dimanche pour inciter leurs confères et consoeurs à se vacciner contre le Covid-19.
Il y a urgence, disent-ils. Dans les hôpitaux, le virus circule à toute vitesse. Avec plus de 44 000 cas de transmission à l’hôpital en un peu plus d'un mois (de janvier à février) et 186 décès, le Covid est devenu la principale maladie nosocomiale, loin devant les autres.
Les professionnels de santé, en première ligne, sont donc invités à se vacciner, alors que la couverture vaccinale reste très faible au sein de cette population. Selon les premières données de Santé Publique France, un tiers seulement des médecins de l’AP-HP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris), et 18 % des soignants (infirmiers, aides-soignants), ont reçu une dose. Dans les Ehpad, seuls 42 % de professionnels (de santé ou non) en ont reçu une, soit deux fois moins que chez les résidents (83 %).
Des réticences ou des refus que le Pr François Chast, ancien chef de service de la pharmacie de l’Hôpital Necker (AP-HP), juge irrecevables. Pour ce membre de l’Académie nationale de pharmacie, l'obligation vaccinale devrait s'imposer aux professionnels de santé.
Pr François Chast. Je pense qu’il est dommage de devoir passer par un appel pour convaincre les professionnels de santé de se vacciner. Je regrette qu’il n’y ait pas un élan spontané. On demande aux patients d’avoir une certaine attitude en matière de prévention, de respecter les gestes barrière, de se vacciner… Mais si nous, derrière, on n’a pas cette même attitude éthique et responsable, le discours ne peut pas tenir.
Et ça laisse aussi toute la place aux dérives conspirationnistes : que peuvent penser les patients si leur propre médecin refuse de se faire vacciner ?
Pr François Chast. En tout cas, à l’AP-HP, seul un tiers des soignants sont vaccinés ou acceptent de se vacciner. Cela à des conséquences très concrètes.
Dans un hôpital que je connais bien, on a perdu un malade transplanté rénal, mort du Covid dans le cadre d’une infection nosocomiale. On a lutté pendant des années, effectué de nombreuses dialyses, on a trouvé un organe et on l’a greffé, pour que finalement le patient décède des suites opératoires parce que quelqu’un de l’équipe médicale lui a transmis le Covid…
Ça pose beaucoup de questions en terme d’éthique.
Pr François Chast. En ce qui concerne le manque de recul, on parle quand même d’un vaccin testé sur 200 millions de personnes, et pour lequel les trois essais cliniques ont totalisé plus de 100 000 patients. Donc bon, il faut relativiser.
Quand on part dans certains pays Outre-Mer, on doit faire un vaccin contre la fièvre jaune - lequel a été testé sur 124 patients - et personne ne trouve rien à y redire… Ces réticences au sein des professionnels de santé ne sont pas une surprise : il y a les mêmes face à la vaccination contre la grippe.
Mais on pourrait attendre d’eux qu’ils aient une approche scientifique, fondée sur les preuves. Et qu’ils montrent l’exemple.
Pr François Chast. Oui. L’obligation n’est pas un gros mot. Les professionnels de santé y sont déjà assujettis pour plusieurs vaccins : diphtérie, tétanos, poliomyélite, tuberculose… et même fièvre typhoïde pour les professions exposées, vaccin qui à l’époque en tout cas n’était pas simple du tout à endurer au niveau des effets secondaires.
Il est naturel, d’un point de vue éthique et pour des questions de responsabilité scientifique, que les professionnels de santé se vaccinent.