L’Europe ne serait pas assez stricte dans sa politique de contrôle des aliments. En effet, il arrive que des produits cancérigènes soient commercialisés puis retirés rapidement du marché. Selon, Laurent Duplomb, sénateur et auteur d’un rapport d’information sur les graines de sésame contaminées, les tests de détection de molécules interdites sont trop peu fréquents et les autocontrôles réalisés par les entreprises entachent leur compétitivité. Qu’en est-il en France ? Quelles solutions apporter à cette réglementation insuffisante ? Laurent Duplomd nous répond.

En décembre 2020, Bruxelles donne l'alerte : des graines de sésame provenant d'Inde sont contaminées par un pesticide interdit en Europe. Elles contiennent de l'oxyde d'éthylène, jusqu'à 1000 fois la dose limite.
La molécule est classée par les autorités sanitaires comme cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction. Pourtant, elle inonde le marché européen. Depuis, les rappels de lots se multiplient et la liste de la Direction de la consommation (DGCCRF) des produits contaminés par l'oxyde d'éthylène, en provenance des quatre coins du monde, s'allonge : thé, épices, farines, huiles, confiseries.

Cette affaire a mis au jour les défaillances des contrôles sur les denrées alimentaires européennes. Pour Laurent Duplomb, sénateur et auteur d'un rapport d'information sur les graines de sésame contaminées, les mécanismes actuels ne permettent pas de protéger les consommateurs.

Pourquoi les contrôles en Europe sont-ils insuffisants ?

Laurent Duplomb. En fait, en Europe on dispose d'une forte capacité à interdire mais de très peu de moyens pour contrôler. Il existe 1590 molécules toxiques interdites ou réglementées, mais seules 600 sont testées. Donc, on passe à côté de 900 molécules chimiques, car on n'a pas mis en place les protocoles pour les contrôler.
Les contrôles portent dans 90 % des cas sur des questions administratives, des formulaires d'exportation, ou sur du visuel (s'agit-il bien d'une pomme, quelles sont ses qualités visuelles). Les tests de détection de molécules interdites sont très peu fréquents, alors que c'est justement elles qu'il faudrait contrôler.

Actuellement, comment fonctionnent les contrôles ?

Laurent Duplomb. Il y a eu une grande naïveté des législateurs européens, qui ont fait reposer l'essentiel des contrôles sur les entreprises elles-mêmes. Celles-ci font appel à des labos qui proposent des packages de tests pour 500 ou 600 substances, les plus dangereuses ou connues. Mais les autres, les nouvelles molécules ou les plus anciennes, passent à la trappe.
Ces autocontrôles sont très limités et très chers ; du coup, les entreprises qui les pratiquent sont moins compétitives, et celles qui ne les font pas le sont davantage. Cela crée de la concurrence déloyale sur notre territoire, comme ça qu'on se retrouve avec des produits contaminés, qui trompent les consommateurs.

Est-ce aux autorités publiques d'organiser les contrôles ?

Laurent Duplomb. Il faut que les Etats se dotent de moyens pour faire des investigations. Avant que le scandale des graines de sésame n'éclate, on savait depuis plus trois ans que 10 % des lots indiens étaient non conformes sur les résidus de pesticides. On aurait dû mener des enquêtes qui nous auraient permis de remonter en arrière et d'éviter que ces lots ne se retrouvent sur le marché, pour ensuite être retirées.
Tant que les contrôles ne seront pas durcis, mis en place de façon aléatoire et indépendante du privé, on continuera à être exposés à des molécules interdites.

Comment se protéger à titre individuel ?

Laurent Duplomb. En France, la réglementation sur les denrées alimentaires est beaucoup plus contraignante ; les seuils sont plus bas, plus protecteurs. Manger des produits locaux est une garantie d'être exposé à moins de polluants.
Mais c'est au législateur de prendre les décisions adéquates. Par exemple, on ne peut pas accepter des accords de libre-échange, avec le Canada ou d'autres nations qui ont des seuils bien différents aux nôtres, si notre capacité de contrôle n'est pas renforcée. Car sinon, il y aura encore plus de substances interdites dans les denrées alimentaires, et les populations seront davantage exposées.