Quoi de plus naturel que les règles ? Toutes les femmes en ont fait l’expérience, et pourtant ce sujet reste un vrai tabou.
La moitié de l’humanité en a fait l’expérience tous les mois et pourtant 57 % des Français reconnaissaient dans un sondage OpinionWay que le sujet reste tabou. Pas mieux pour la ménopause : 80 % des Français en parlent peu ou pas du tout. Résultat : chez bon nombre de femmes, la santé menstruelle qui se définit comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et non la simple absence de pathologie ou d’infirmité, en relation avec le cycle menstruel » n’est pas au top !
C’est pourquoi une vingtaine de députés a déposé une proposition de loi visant à lever ces obstacles. Au programme, notamment, l’interdiction de substances dangereuses dans les protections menstruelles susceptibles de provoquer un choc toxique. Mais comment adapter l’école et l’entreprise à cette réalité quotidienne des femmes ? Quels aménagements publics sont nécessaires ?
Les réponses d’Albane Gaillot, député Europe Ecologie les Verts, qui a présenté ce texte.
Albane Gaillot. Oui, cela relève de l’intime mais ce n’est pas une raison pour que cette question soit taboue. Des règles douloureuses, la ménopause, une endométriose ou encore des fuites urinaires sont autant de phénomènes fréquents qui ont un impact sur la vie sociale des femmes, dans le travail et les études notamment.
Il faut donc que la société, qui est pensée par et pour les hommes, s’adapte à cette réalité de la femme.
Ce sujet commence certes à être abordé. L’instauration le 28 mai de la journée de la santé et de l’hygiène menstruelle le prouve mais bien souvent, cette journée n'est évoquée que pour les femmes en situation de précarité. Et donc, les solutions proposées ne portent que sur le coût. La TVA sur les protections périodiques a été abaissée mais cela n’a eu que très peu d’effets car les prix ont augmenté.
Il faut donc développer des politiques publiques qui englobent tous les problèmes auxquels les femmes sont confrontées au quotidien.
Albane Gaillot. Absolument ! Mais à l’heure actuelle, l’installation de distributeurs de protections menstruelles dépend trop d’initiatives individuelles. Par ailleurs, nous souhaitons que ces distributeurs soient installés dans des couloirs fréquentés, pas à l’infirmerie. Dans les établissements qui ont procédé ainsi, cette démarche a suscité des discussions entre filles et garçons. Il n’y a pas de honte à parler des règles.
Mais, ce sujet n’est même pas abordé lors des cours d’éducation sexuelle. C’est pourquoi nous préconisons de distribuer, dès le troisième cycle de l’école primaire (CM1 et CM2), des kits de santé menstruelle contenant des protections périodiques jetables et réutilisables avec des supports explicatifs.
Albane Gaillot. Je n’y suis pas favorable. Certains candidats le proposent mais je pense que la plupart des femmes souhaitent pouvoir continuer à travailler.
Il me semble plus judicieux de proposer plusieurs outils : adapter les horaires de travail, développer le télétravail ou encore supprimer des jours de carence. Cela suppose que la santé menstruelle fasse l’objet de discussions dans les entreprises mais aussi de négociations au sein des branches professionnelles. Or, les représentants syndicaux que j’ai rencontrés pour préparer la proposition de loi ont été interloqués par mes questions. Ils m’ont confié que ce sujet n’était jamais abordé.
Albane Gaillot. Faute d’accès à des toilettes, des femmes peuvent souffrir d’infections urinaires, voire de chocs toxiques si elles ne peuvent pas changer de protection menstruelle suffisamment souvent. Il faut donc que les établissements recevant du public, mais aussi les cafés, permettent l’accès à des toilettes propres et gratuites alors qu’ils ont tendance à les réserver à leurs clients. Les communes de plus de 3 500 habitants doivent en construire.
A l’école, l’amélioration de la santé menstruelle passe aussi par l’accès à des toilettes propres. Nous ne pouvons évidemment pas légiférer sur le degré de propreté mais quand je vois que certains enfants doivent demander le papier toilette… C’est une question de dignité pour les femmes.