C’est un sujet majeur de la campagne présidentielle et qui devrait être un temps fort du débat du second tour qui opposera Marine Le Pen et Emmanuel Macron. A quel âge pourrons-nous partir à la retraite ?
Dans son programme, le Président sortant l’a fixé à 65 ans. 77 % des Français y sont opposés (1). Même si la mesure n’est finalement pas appliquée tout de suite, la tendance est à l’allongement de la vie professionnelle. Bon nombre de nos voisins ont même fixé des dates plus contraigantes : 67 ans en Italie ou encore 68 ans en Grande-Bretagne.
Cette mesure, souvent évoquée sous l’angle économique, est-elle compatible avec l’état de santé des séniors ? Doit-on fixer l’âge du départ à la retraite en fonction des capacités physiques et psychologiques de chacun ? Les réponses du Dr Antoine Piau, gériatre au CHU de Toulouse.
(1) Sondage Ifop / le JDD
Dr Antoine Piau. Oui, évidemment. Dire que comme l’espérance de vie s’allonge, il faut travailler plus longtemps est en fait très réducteur. Car à ces âges de la vie, l’état de santé de la population est très hétérogène. Certains sont usés à 50 ans alors que d’autres pètent le feu à 70 ans. Entre les ouvriers et les cadres, nous avons un écart de 10 ans d’espérance de vie.
En outre, si l’espérance de vie s’est effectivement allongée, celle sans incapacité a très peu évolué. Concrètement, nous vivons plus longtemps mais nous tombons malades à peu près aux mêmes âges.
Dr Antoine Piau. Définir des critères de pénibilité réellement pertinents risque de conduire à une usine à gaz car il faut rentrer par corps de métier. Faute d’une analyse fine des situations qui peuvent avoir un impact sur la santé, ce sera du bricolage, sans le moindre rationnel scientifique.
Selon l’environnement de travail, les conséquences de charges lourdes ne sont pas les mêmes, par exemple. De plus, il faut aussi tenir compte d’autres facteurs qui ont des répercussions sur la santé mentale tels qu’un management toxique.
Dr Antoine Piau. Oui, ils s’y opposent car le travail n’est plus synonyme d’épanouissement. Mais, la retraite marque une vraie rupture, qui risque d’entraîner une désocialisation rarement anticipée. Cela peut avoir de vrais effets délétères sur la santé.
C’est pourquoi je pense que nous devrions réfléchir à un système moins brutal, sortir de la logique du tout ou rien. Aujourd’hui, vous n’avez le choix qu’entre actif ou inactif ! Donner la possibilité de diminuer progressivement son activité en instaurant du temps partiel, du travail par missions serait plus bénéfique pour la santé.
Dr Antoine Piau. Je pense effectivement qu’il faudrait donner plus de moyens à la médecine du travail, qui est le parent pauvre du système. Cela permettrait d’individualiser les parcours professionnels et de sortir de l’idée que tout le monde doit partir à la retraite au même âge. D’autant que nous savons très bien repérer précocement la fragilisation des personnes, avec des dimensions physiques, morales, nutritionnels. La science du vieillissement est au point. Nous savons dire avec quelques années d’avance si une personne est à risque de vieillissement en bonne santé. Et donc qu’il est temps d’envisager un passage à la retraite…