Surcharge de patients à l'hôpital public, salaires faibles, manque de considération du gouvernement, reconnaissance de leur travail, suivi gynécologique possible pour les sages-femmes, épuisement professionnel, grèves et manifestations : la sage-femme, Charline Gayault répond à nos questions.
Les sages-femmes sont dans la rue. La semaine passée, plusieurs milliers de professionnels de santé ont défilé à Paris pour alerter les pouvoirs publics, dénoncer le manque de moyens, de reconnaissance et d'actions. « Mères et bébés en danger », pouvait-on lire sur les pancartes.
De fait, les sages-femmes sont souvent les grandes oubliées des politiques de santé. La profession, majoritairement féminine (97 %), compte un peu moins de 24 000 membres et peine à faire entendre sa voix. Pourtant, elles jouent un rôle crucial, à un moment très particulier de la vie, l'accouchement, mais aussi au quotidien, tout au long du parcours de soins.
Les contraintes budgétaires qui pèsent sur cette profession ont des conséquences délétères, comme nous l'explique Charline Gayault, sage-femme à Wambrechies (Nord, 59).
Charline Gayault. Ce problème concerne surtout l'hôpital. Selon l'organisation des services, une sage-femme de garde a en charge deux à trois patientes en salle de travail. Mais si une césarienne d'urgence se présente, ou une autre urgence obstétricale, c'est cette même sage-femme qu'on sollicite. Du coup, on est constamment obligées de faire des choix, de privilégier le vital et de sacrifier tout ce qui est un peu moins quantifiable : le soutien, l'accompagnement lors de l'accouchement.
La nécessité de gérer l'urgence au détriment de cette autre facette de notre métier entraîne une perte de sens. Cela nuit à l'attractivité des carrières à l'hôpital. Beaucoup de sages-femmes qui voulaient y travailler ont fini par s'installer en libéral, car à l'hôpital, elles sont parfois réduites à des techniciennes.
Charline Gayault. Les sages-femmes font partie des trois professions médicales, avec les médecins et les chirurgiens-dentistes. On les considère à tort comme des professions paramédicales, et leur rémunération ne reflète pas leur niveau d'étude et de responsabilités. De très nombreuses sages-femmes, notamment les libérales, gagnent le SMIC. Or, là aussi, cette contrainte économique les oblige à faire des choix, des arbitrages, à privilégier certains actes mieux rémunérés, ou à travailler bénévolement, comme beaucoup le font. En PMI, aussi, les grilles tarifaires sont scandaleusement basses. Il y a de très fortes inégalités salariales par rapport aux autres professionnels de santé.
Charline Gayault. Au-delà des questions d'argent, nous voudrions avoir plus de visibilité. Beaucoup de personnes ignorent qu'on peut faire le suivi gynécologique chez une sage-femme et que cela peut répondre à la baisse du nombre de gynéco en ville. Idem pour les IVG. En fait, notre profession n'est jamais vraiment citée – pas un mot, par exemple, pendant le Ségur de la Santé. Ce n'est pas une guerre d'ego, c'est simplement qu'en étant invisibilisé, l'information ne passe pas auprès du public et cela entrave l'accès aux soins. Nous demandons aussi aux pouvoirs publics de se pencher sur la situation des étudiants sages-femmes, qui présentent des signes alarmants : 70 % d'entre eux se déclarent en épuisement professionnel et près d'un sur trois envisage une réorientation.