Aimons nous pour vivre mieux. Une étude récente montre que les personnes qui éprouvent de l’amour entres elles pourraient vivre plus longtemps. Comment est-ce possible ? Les explications de Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille.
Soyons amoureux pour vivre vieux ! Une nouvelle étude nous rappelle à quel point le lien conjugal agit sur notre santé. Elle montre que les personnes qui sont dans une relation amoureuse stable, qui manifestent de l'amour et de la tendresse l'une envers l'autre, ont tendance à vivre plus longtemps et en meilleure santé, que les couples qui ont une relation conflictuelle. Globalement, on sait que les relations dans le couple agissent sur notre organisme et qu'avoir un partenaire de vie augmente l'espérance de celle-ci.
Au fil des années, le couple apparaît comme un facteur protecteur, notamment chez les plus de 45 ans.
Pourquoi, et à quelles conditions ? Les explications de Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille et directeur de la Fondation Plan Alzheimer.
Pr Philippe Amouyel. La solitude est un facteur de risque d'altération des fonctions intellectuelles : les personnes seules ont tendance à perdre plus vite leurs fonctions cognitives que les autres.
Des travaux montrent, par exemple, qu'à 50 ans, les personnes séparées, veuves ou célibataires ont trois fois plus de risque de développer des troubles cognitifs que celles qui sont en couple. C'est un moyen de maintenir des relations sociales (on est plus souvent invités à sortir en couple que seul, par exemple), de lutter contre la solitude et donc d'entretenir sa santé cérébrale.
Pr Philippe Amouyel. Il faut comprendre que notre cerveau résiste aux atteintes du temps et aux maladies neurodégénératives grâce à la réserve cognitive, le « capital cerveau ». Plus l'on vieillit, plus cette réserve s'épuise puisqu'on ne produit plus de nouveaux neurones à partir de 25 ans. Mais il est possible de compenser cela. Les neurones ne se multiplient plus, mais on peut créer des connexions cérébrales et préserver son capital cerveau grâce aux activités cognitives, en évitant les toxines, en soignant son alimentation... mais aussi, et surtout, par le biais des relations sociales, qui stimulent notre cerveau et ses différentes fonctions.
Pr Philippe Amouyel. Non, il y a également la sexualité qui est en jeu. On sait que l'activité sexuelle après 50 ans est associée à un moindre risque de développer des troubles cognitifs. Il existe plusieurs fonctions cognitives, dont deux : la fluence verbale (capacité à parler vite et bien) et la capacité visio-spatiale (qui permet de s'orienter, de s'organiser). Or, plus l'activité sexuelle est fréquente, plus ces deux fonctions sont importantes chez la personne âgée. On n'explique pas tout à fait ce lien, et pour des questions éthiques et pratiques, il est compliqué d'organiser des études expérimentales sur le sujet. Au-delà de l'aspect cognitif, la sexualité, c'est une activité physique. A ce titre, elle peut avoir un effet sur la santé cardiovasculaire, et donc sur l'espérance de vie.
Pr Philippe Amouyel. Evidemment, si on est toujours au bord du divorce, le couple apparaît comme délétère. Mais ce qu'on observe, c'est que contrairement aux disputes familiales qui induisent très souvent un isolement de la personne âgée, les disputes conjugales, elles, mènent plus rarement à l'isolement. Or c'est vraiment la solitude qui démultiplie les risques, aggrave les pathologies... On voit beaucoup de « vieux couples » qui rouspètent, se disputent, mais restent quand même ensemble. Et dès lors, il y a tout de même un effet protecteur du couple sur la santé.