Tout médicament comporte des effets secondaires. Et ces effets indésirables, parfois très graves, sont à l’origine de nombreuses hospitalisations
Selon deux études récentes menées dans les centres de pharmacovigilance de France et dans les hôpitaux du pays. Ainsi, les hospitalisations liées aux effets secondaires des médicaments ont bondi de 47 % en dix ans, passant de 3,6 % à 8,5 % de l’ensemble des hospitalisations.
Les responsables de ces études peinent à expliquer ce phénomène – d’autant plus que la consommation de médicaments, elle, est plutôt à la baisse. Mais un facteur est tout de même mis en avant : le mésusage.
Ainsi, de très nombreuses hospitalisations pourraient être évitées si l’on utilisait mieux les médicaments, à meilleur escient. C’est ce que rapporte le Pr Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l’Université de Bordeaux.
Pr Bernard Bégaud. Pas vraiment, même si la méthodologie sous-évalue, à mon sens, l’ampleur du phénomène. Ces études ont le mérite de rappeler cette problématique se traduit en milliards d’euros de dépenses inutiles pour l’Assurance Maladie.
J’ai été à l’origine de plusieurs rapports sur le mésusage du médicament, qui montrent qu’au moins 30 % des hospitalisations pour effets indésirables sont évitables. C’est une chose d’avoir des effets secondaires à cause d’un traitement vital, nécessaire au patient. C’en est une autre de développer de tels effets indésirables pour un traitement que l’on n’aurait pas dû prendre, à cause d’une prescription inutile ou non pertinente.
Ces prescriptions, beaucoup trop fréquentes, tuent autant que les accidents de la route. Pourtant, il n’y a pas de volonté politique de faire bouger les choses ; c’est regrettable.
Pr Bernard Bégaud. On sait qu’il y a un très fort mésusage autour des psychotropes, par exemple. Les benzodiazépines sont à l’origine de 20 000 fractures par an chez les personnes âgées, avec une forte mortalité associée. Les somnifères continuent d’être prescrits sur de longues durées, alors qu’ils perturbent les cycles du sommeil, augmentent les risques de démence, de chutes… Les antibiotiques, eux aussi, sont très mal prescrits.
Il y a aussi le cas de figure où l’on continue de prescrire un médicament alors qu’un autre, moins dangereux, est disponible. Par exemple, dans le traitement du diabète de type 2, les médecins français prescrivent largement en première intention des médicaments qui, normalement, sont administrés en deuxième ou troisième intention en raison de leur rapport bénéfice-risque moins favorable. Idem pour les troubles bipolaires. En fait, le mésusage est très largement répandu.
Pr Bernard Bégaud. Il y a des lacunes au niveau de la formation. En nombre d’heures, le médecin français est l’un des moins bien formés d’Europe à la prescription rationnelle des médicaments.
Il faut aussi des messages clairs à destination des médecins et des patients. Par exemple, il n’y a aucune justification à un traitement prolongé de l’anxiété par benzodiazépines. Un médicament sans justification réelle et claire ne peut faire que du mal. Il est nécessaire que le politique s’empare de cette problématique, qu’il mette en place des groupes de travail pour détecter les prescriptions inutiles et dangereuses.
A chaque fois qu’il y a un scandale – Mediator, etc - on se focalise sur le produit lui-même sans s’interroger sur le mésusage à l’origine du problème.
Pr Bernard Bégaud. On parle ici des patients qui ont recours à des médicaments en vente libre, type paracétamol ou aspirine, et les utilisent à mauvais escient ; ou encore de ceux qui prennent des traitements sous ordonnance, dont il leur reste quelques boîtes dans leur armoire à pharmacie. Honnêtement, ça reste assez marginal par rapport au phénomène global ; 80 %, au bas mot, du mésusage provient de la prescription.
Une règle de base pour limiter les effets indésirables : lorsque vous prenez un médicament, assurez-vous toujours de ne pas excéder le dosage et la durée de traitement. Vérifiez l’indication du médicament avant de le prendre.