Même si elle était prévisible, c’est une déflagration qui secoue les États-Unis.
Cinquante ans après l’entrée en vigueur de la jurisprudence Roe v. Wade, la Cour suprême a annulé le 24 juin l’arrêté garantissant au niveau national le droit à l’avortement.
Le pays était divisé, le voilà morcelé. Car c’est bien un coup de couteau à la démocratie que viennent de porter cinq (dont 3 choisis par Donald Trump) des 9 juges de la haute juridiction. Il appartient maintenant à chaque État de se déterminer. Nul doute que ceux qui sont aux mains des conservateurs s’opposeront à l’IVG. 13 ont déjà fait connaître leurs intentions, 13 autres devraient suivre, soit au total, plus de la moitié des États. De quoi raviver les batailles entre pro et anti avortement sur tout le territoire.
Et ce coup de tonnerre a été entendu bien au-delà des frontières américaines. Notamment par les ligues anti-avortement qui vont se servir de ce signal pour relancer leur croisade. En France, « nous craignons une régression et la non-application des lois », avertit Danièle Gaudry, gynécologue et militante au Planning familial.
C’est pour cette raison que plusieurs députés, dont Aurore Bergé, responsable du groupe LREM à l’Assemblée, ont déposé une proposition de loi pour inscrire, le droit à l’IVG dans la Constitution.
Mais cette initiative -qui, dans le contexte actuel, a peu de chance d’aboutir rapidement - ne doit pas cacher l’essentiel. Si le droit à l’IVG n’est pas fondamentalement menacé dans le pays, en revanche les conditions d’accès à l’avortement, elles, se restreignent. Selon une enquête réalisée en 2019 par le Monde et confirmée par les pouvoirs publics, 8 % des centres IVG auraient fermé en dix ans. Dans plusieurs régions, plus de 40 % des femmes qui avortent à l’hôpital le font dans un autre département que celui où elles résident. Ces inégalités territoriales « pénalisent surtout les femmes les plus vulnérables », relevait en 2020 un rapport parlementaire. C’est donc le moment d’agir pour garantir leurs droits.
Philippe Berrebi